Veuillez noter que le Prix de la Page 112 se consacre désormais à la rentrée littéraire de janvier
Pourquoi un nouveau prix littéraire ? Pourquoi la page 112 ? Que fait Woody Allen dans cette étagère ?
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur notre prix sans jamais oser le demander… et hop !
« Qu’est-ce que c’est que cette fantaisie, encore,
vous n’avez rien d’autre a faire, bande de faineants ? »
… Ou plus sobrement : pourquoi fonder un prix littéraire sur l’examen de la page 112 ?
Depuis quelques décennies, éditeurs et écrivains accordent un soin exceptionnel au début d’un livre, afin d’impressionner immédiatement le lecteur. Pour que les premières lignes suffisent à convaincre le malheureux client d’une librairie de passer à la caisse, on n’hésite pas à bannir le préambule au bénéfice d’un florilège de provocations : le récit doit « démarrer » tout de suite.
Mais que se passe-t-il dans la suite du livre ?
Hélas… Trop souvent, rien du tout.
Ici intervient la théorie de notre jury. Située entre le premier tiers et la moitié d’un roman contemporain de format moyen, en plein dans son « ventre mou », la page 112 saura servir d’indice fiable. Car dans la majorité des cas, la page 112 témoigne d’une chute d’attention générale, à toutes les étapes de la naissance du livre : distraction de l’auteur qui, lancé dans l’écriture, relâche son style et ne songe plus qu’à enchaîner ; négligence de l’éditeur (déjà convaincu depuis longtemps par l’intérêt du manuscrit s’il en a atteint la page 112, ou fatigué de noter des observations depuis 111 pages) ; et hâte du correcteur, moins pointilleux qu’au début et soucieux de progresser.
Bref : tout le monde a négligé la page 112 !
C’est pourquoi nous la choisissons. Notre logique est simple. Si une remarquable page 112 est rare, alors il est permis d’espérer que le roman dans lequel elle apparaît soit, lui aussi, remarquable… de bout en bout.
Comment le jury de la Page 112 travaille-t-il ? Ne lit-il que cette page ?
Contrairement aux autres jurys de prix littéraires, les jurés de la page 112 sélectionnent l’intégralité des romans parus à la rentrée de janvier – dès lors que ceux-ci comptent au moins 112 pages.
Nous sommes le seul jury à donner toutes ses chances à chaque œuvre littéraire de plus de 112 pages parue à cette période de l’année.
Bien sûr, dès qu’une page 112 nous paraît belle, intelligente, prometteuse, nous lisons le livre dans son entier. Notre méthode nous aura simplement permis d’éliminer les mauvais candidats et de ne conserver que les bons.
Mais si la page 112 d’un très bon livre est vierge ou correspond à une fin de chapitre ?… Et si la page 111 est extraordinaire et la page 112 un peu moins bonne ?
Ah oui, la vie est injuste. Les prix littéraires le sont davantage encore. Pourtant, en offrant à l’ensemble des romans de la rentrée un outil de sélection unique et breveté, un théorème mathématique fondé sur un raisonnement imparable, nous avons le sentiment de toucher à l’équité.
Qui plus est, lors des délibérations finales, outre le Prix de la Page 112, nous nous réservons la possibilité d’attribuer une mention spéciale à un ouvrage dont une autre page que la 112 aurait permis la mise en valeur.
Oui mais pourquoi la page 112 plutôt que la page 125 ou 204 ?
1. On vous l’a dit, c’est le ventre mou, etc.
2. Parce que.
3. C’est Woody Allen qui l’a choisie. Il est notre parrain.
Dans Hannah et ses sœurs, Elliot (Michael Caine) tombe follement amoureux de sa belle-sœur, Lee (Barbara Herschey), et tente de la séduire sans succès, jusqu’au moment où, à force d’insistance, il obtient qu’elle lise la page 112 d’un recueil de poèmes de E.E. Cummings. Grâce à cette lecture, Lee prend conscience des sentiments d’Elliot à son égard ; et aussitôt, elle l’aime à son tour. C’est dire si cette page 112 est magique.
Certes, dans le film, elle ne donne pas lieu à la plus grande histoire d’amour de tous les temps, seulement à un adultère qui tourne court… Mais la sagesse de Woody Allen guidera la nôtre : même si le chef d’œuvre des chefs d’œuvres de la littérature française n’est pas au rendez-vous tous les ans, nous saurons élire un ouvrage capable de nous faire palpiter le cœur et l’esprit !
… Et méfiez-vous des contrefaçons !